Le Secret du Métier de Vivre - Atelier 2

Les mains de cet homme étaient longues et plutôt fines pour l'image que l'on se fait de l'homme viril. Mais elles étaient comme des extensions de son coeur gros comme un soleil d'été. Leur force venait de l'intérieur. Elle circulait à travers ses membres comme une rivière de jouvence et finissait par irriguer chacun de ses doigts avec vigueur et allégresse.

Cette flamme donnait à ses mains une soif de donner tellement fébrile que l'homme en oubliait souvent de panser ses propres blessures. Parfois sur son chemin, il rencontrait un homme ou une femme-miroir qui lui reflétait ses propres cicatrices pour qu'il puisse y étaler quelques baumes ou autres liniments. Ces rencontres étaient rares et aussi brèves que l'éclair, car la tâche de l'homme était immense.

Bien vite il s'empressait de serrer quantité de mains aux lignes de vie brouillées pour qu'elles retrouvent une course plus souple et harmonieuse. Il n'avait de cesse de forcer l'ouverture de tous ces poings résignés afin de les remplir d'amour. Il offrait la moindre parcelle de son courage pour que chacune des cinq extrémités de ces gants de suie quitte leur engourdissement froid. Il s'acharnait à triompher de toutes ces mains fuyantes et mesquines qui semaient la mort et la désolation autour d'elles.

A la fin de chaque journée, il tendait enfin ses mains fatiguées, mais résolues vers le ciel noirci pour que les tristesses et les peines quittent son corps encrassé.

Et chaque matin, ses deux paumes lavées de la misère du monde se tournaient vers la chaleur de l'astre impérial pour y puiser le filtre de vie.

Nathalie Meyer, 03.11.2013